Ngaparou, une initiative réussie de cogestion au Sénégal

I) ORGANISATION DE LA PECHERIE

Le Comité Local des Pêcheurs (CLP) de Ngaparou (Département de Mbour, au sud de Dakar, Sénégal) compte 600 membres actifs, et est composé de pêcheurs, mareyeurs, charpentiers et femmes transformatrices. Il tient son Assemblée générale tous les ans avec un respect scrupuleux de la règle du tiers sortant pour le renouvellement du Comité Directeur (CD) de 21 membres avec une représentation de tous les collèges recensés sur le site. Le CD élit, par la suite, en son sein un Bureau exécutif composé de 10 membres où sont représentés aussi bien les hommes que les femmes.

Du point de vue institutionnel, une articulation dynamique a été mise en place entre le CLP de Ngaparou (Association Privée) et le CLPA (Conseil Local de Pêche Artisanale) de Sindia-Nord (Entité Publique) ; le CLP de Ngaparou étant considéré comme l’organe de base du CLPA de Sindia-Nord au niveau du site et la seule entité qui représente tous les acteurs de la localité et agit en leur nom.

Pour son fonctionnement, deux aspects importants peuvent être mis en exergue :
– Les initiatives locales de cogestion sont identifiées par le CLP, partagées avec les autres CLV (Conseil Local Villageois) de la circonscription et validées ensuite au niveau du CLPA;
– Les directives nationales en matière de pêche sont discutées au niveau du CLPA avant leur application au niveau local via le CLP.

Le CLP de Ngaparou travaille en partenariat avec les 04 CLPA que compte le département de Mbour dont 2 dits de terroirs (Sindia Nord et Sindia Sud) et 2 dits de métiers (Mbour et Joal). Une douzaine de localités sont polarisées par les CLPA du département :
• CLPA SINDIA NORD: Ndayane, Popenguine, Guéréo, Somone, Ngaparou et Saly ;
• CLPA SINDIA SUD : Mballing, Nianing, Pointe Saréne, Mbodiène
• CLPA M’BOUR: Mbour
• CLPA JOAL: Joal

II) LES PRINCIPAUX PRODUITS COMMERCIAUX PECHES

• Poissons : pageot, mérou, carpe rouge, otolithe, dorade grise, sompate, caranx, etc..
• Céphalopodes : poulpe et seiche ;
• Gastéropodes : volute, murex
• Crustacés ; langouste,
• Echinoderme : oursins

III) FAITS SAILLANTS

En 2005 on a assisté à la prise de conscience collective des acteurs de la pêche du site de s’impliquer activement dans la gouvernance locale des pêcheries côtières dont ils dépendent et qui sont confrontées aux insuffisances de la gestion centralisée de type “top down“. Cette dernière s’est traduite par l’exploitation anarchique des ressources halieutiques aggravée par une augmentation de l’effort de pêche, les mauvaises pratiques de pêche une surveillance des pêches inadéquate, avec comme conséquence la surexploitation des ressources démersales (côtières) et les incursions fréquentes des navires de pêche industriels.
Cette prise de position a été matérialisée par l’identification et la mise en œuvre de plusieurs initiatives de cogestion.
IV) INITIATIVES DE GESTION DES RESSOURCES
• la Création d’une Zone de Pêche protégée (ZPP): il s’agit d’une aire marine de catégorie VI de l’IUCN comprenant:
• une zone de pêche fermée à toute activité et au passage des jets ski.
• une zone tampon qui abrite des récifs artificiels et qui aussi interdite de pêche et de passage des jets ski et ;
• une zone de pêche réglementée par :
• l’interdiction de la chasse sous-marine, des engins à grande capacité de prélèvement (palangre, senne tournante, senne de plage, trémail, filet dormant de maille de coté inférieure à 60 mm), introduction de passage des jets ski et ;
• la limitation du nombre de filets par pirogue à 20 unités.
• l’Immersion de récifs artificiels mixtes (langouste et poisson) et de DAP dans la zone tampon: Les récifs artificiels ont été fabriqués à partir de blocs en béton armé et de moellons naturels tandis que les DAP sont faits à partir de morceaux de filet.
Modèle de récif artificiel

recifs artificiels

Preuve d’efficacité de ces mesures on assiste :
– au retour des bancs de poissons, visibles depuis la plage dans la zone ;
– à l’augmentation du poids moyen (donc de la taille moyenne) des langoustes débarquées: de 295 g (2005) à 420g (2010) soit +42% ;
– à l’augmentation des rendements pondéraux de langouste: 1.5 kg/sortie (2006) à 3.5 kg/sortie (2010), soit 133% ;
– à la reprise progressive des abondances des espèces démersales dans l’aire de cogestion;
– à la prolifération de juvéniles dans l’aire de cogestion ;

Capture de langoustes de grandes tailles

Capture d’un capitaine de 18 kg

V) SURVEILLANCE

Sortie de surveillance participative

Moyens matériels de surveillance  : pirogues avec moteurs de 60CV, en perspective acquisition d’une vedette rapide

Moyens humains  : 02 agents de la DPSP (Direction de Surveillance des Pèches) + 10 surveillants bénévoles

Moyens financiers  : Ristourne des transactions (20%), reversement des perdiems reçus lors des réunions, subventions des Projets et du CLP.

Sanctions appliquées : En 2013, 140 PV ont été établis avec parfois des saisies de matériels jusqu’au paiement d’une transaction. Deux dossiers ont finalement été transmis à la justice avec des condamnations.

Les limites de cette surveillance sont le manque de moyens et aussi le statut des bénévoles qui ne sont pas assermentés et qui sont donc sans statut juridique. Le nouveau Code de pêche qui va être adopté incessamment devrait prendre en charge ces questions en conférant aux surveillants-pêcheurs un statut officiel comme les éco gardes du ministère de l’environnement ou des gardes jurés en France.

VI) TRACABILITE

Toutes les pirogues de Ngaparou sont identifiées. Le parc compte 195 pirogues dont 150 actives et 140 permis de pêche délivrés et 10 permis en instance.
Une base de données a été créée avec un suivi effectif des statistiques par une équipe de 02 personnes qui font la collecte journalière des données: effort, capture, espèces, taille, température, salinité.

VII) LES IMPACTS SOCIO-ECONOMIQUES

• Augmentation des revenus des acteurs avec une amélioration des rendements des espèces cogérées.
• Prise en charge médicale et scolaire des nécessiteux sur demande.
• Facilitation du crédit au niveau des structures locales de financement.
• Participation financière aux charges de fonctionnement et de surveillance avec la création de plusieurs Activités Génératrices de Revenus (AGR). En effet, le CLP est souvent invité à des réunions et Ateliers organisés par d’autres structures (projets ou ONG) qui versent des frais de missions (perdiems & nuitées) aux participants. Il a été arrêté par les pêcheurs que tout membre qui représente le site à une rencontre devra, après défalcation des frais personnels (restauration, transport, etc.), reverser dans la caisse du CLP le reliquat des perdiems et nuitées encaissés. Entre juillet 2012 et juillet 2013, cette mesure a permis au CLP d’encaisser 970.000 FCFA.
• Recherche et sauvetage des pirogues égarées.

VIII) LES DEFIS A RELEVER

• L’évaluation des stocks.
• Les difficultés de la surveillance :

  1. Statut des surveillants-pêcheurs qui sont sans pouvoir juridique, ni couverture médicale et sociale et
  2. frais de surveillance élevés (57% des charges de fonctionnement du CLP)

• L’incursion des pêcheurs étrangers dans la zone protégée du fait de la reprise significative des stocks de poissons avec la bonne gestion de la pêcherie.

IX) REFLEXIONS INTERNES EN COURS AU NIVEAU DU CLP DE NGAPAROU

• Comment faire appliquer un droit d’usage de la pêcherie pour les pêcheurs locaux et migrants en respectant les règles édictées moyennant paiement d’une redevance.
• Un droit de ponction dans la zone interdite afin de collecter suffisamment de recettes destinées au fonctionnement du CLP, des CLPA et des Services déconcentrés du département.
• La construction d’un Centre d’accueil ou résidence d’hôtes destiné à héberger les visiteurs et les séminaristes. Selon les estimations, ce Centre pourrait générer 30 millions CFA de recettes par an qui pourraient être utilisées pour pérenniser les activités de cogestion.